Publié le 18 Novembre 2020
Kaoha nui (Bonjour en marquisien),
J’ai eu la chance de découvrir un petit bout des îles marquises au cours d’un déplacement professionnel. Je devais rejoindre l’île de Fatu-Hiva pour une semaine.
Fatu-Hiva est située à 1 600 km au nord-est de Tahiti. Il n’y a pas de desserte aérienne. Il faut donc se rendre à Hiva-Oa dans un premier temps (3H30 d’avion), puis prendre un bateau (4H00) pour rejoindre Fatu-Hiva. Ce qui fait de Fatu-hiva une des îles les plus isolées de Polynésie.
Pendant le voyage, on survole plusieurs îles de l’archipel des Tuamotu. L’archipel des Tuamotu est composé d’atoll c’est-à-dire d’îles basses, alors que l’archipel des Marquises est composé d’îles hautes. On voit bien la différence d’ailleurs.
L’archipel des Marquises ou Fenua Enata « Terre des hommes » sont constituées de douze îles hautes, dont six habitées, réparties en deux groupes, Nord-Ouest et Sud-Est, séparés par un espace maritime d’une centaine de kilomètres.
J’ai fait un stop d’une journée à Hiva-Oa. Arrivée en fin de matinée, je mange un bout face à la baie dans la petite ville d’Atuona avant d'aller me balader. Les Marquises et plus spécialement Hiva-oa sont connus dans le monde pour avoir été le refuge de deux célébrités : Paul Gauguin et Jacques Brel. Comme c’était le dimanche, tout était fermé et je n’ai pas pu visiter les 2 petits musées qui leur sont dédiés. Mais j’ai fait une agréable marche.
Je commence par longer la plage. Tout le long il y a une série de bancs décorés face à la mer.
Je remonte ensuite vers l’intérieur du village. Il y avait un grand bingo (une sorte de loto) qui était organisé. Les tables sont réparties sous les arbres et il y a une dame qui crie les numéros. Il y a là une ambiance concentrée et sérieuse, on entend les mouches volées pendant que les numéros sont égrenés à voix haute. Je m’étais arrêtée pour acheter une bouteille d’eau et je suis restée un petit moment à observer le jeu en attendant une pause. Il faut dire qu’il faut être très rapide pour marquer les numéros sur les différentes plaquettes de jeu et il n’est pas possible de faire 2 choses à la fois.
Le bingo est une institution ici. Le pays a d’ailleurs fait valoir « une exception polynésienne » à Paris pour permettre l’organisation de jeux d’argent qui est normalement réservé à la FDJ et au PMU.
Je continue mon chemin dans les rues de la ville. Je croise quelques statues, certaines ont une allure guerrière et d'autres sont plus malicieuses.
Ensuite je monte vers le cimetière qui se trouve en hauteur. Pourquoi le cimetière ?
Pour rencontrer Jacques Brel (1929-1978) et Paul Gauguin (1848-1903). J’écoute « la valse à mille temps » et autres chansons de Brel pour monter jusque là-haut.
La plaque représente Jacques Brel et sa dernière compagne Madly Bamy.
La tombe de Gauguin a été un moment abandonnée puis restaurée à plusieurs reprises en 1929 et 1958. Une copie en bronze d’Oviri trône sur sa tombe, elle a été réalisée à la demande de la fondation Singer-Polignac en 1973. L’original se trouve au musée d’Orsay à Paris.
Effectivement c’est un bel endroit pour passer l’éternité avec une belle vue sur la mer et les montagnes
Je retourne vers la plage pour me poser sur un banc et bouquiner un peu face à la baie. Tout au bout un homme qui nettoie son cheval dans la mer. C’est très beau à regarder.
Mon bateau pour Fatu-Hiva part à 2H00 du matin ! J’adore ce genre d’horaire, un vrai plaisir. J’ai donc loué une petite chambre pour la nuit en attendant. Soirée agréable à discuter avec des gens de la pension. Je me lève un peu la tête à l’envers pour prendre un taxi qui ne pouvait venir qu’à 1H00 du matin. J’arrive au port à 1H10 !. Je suis toute seule sur le quai avec quelques marins qui préparent le bateau. Heureusement que je ne suis pas du genre à flipper, ambiance très particulière au milieu de la nuit dans un port. Je me suis assise par terre avec un bouquin pour attendre le départ. Que ferais-je sans les livres ?!?
Ne voyant personne arriver, je me suis demandée si j’allais être vraiment toute seule pour la traversée. Mais vers 1H55, il y a finalement 5 personnes qui rejoignent le quai.
Le bateau part et heureusement que je me suis droguée avec 2 cachets de mercalm, car la traversée fut bien agitée. J’arrive vers 6H00 du matin un peu nauséeuse. Mais un petit déjeuner et une douche et prête pour le boulot !
La navette Te ata o hiva effectue 3 rotations par semaine et a été mise en place en décembre 2016. Ce qui fait de Fatu-Hiva une île très isolée même si elle est plus facile d’accès depuis la mise en service de la navette maritime. Il faut quand même savoir qu’elle s’arrête 1 à 2 mois par an pour carénage sur Tahiti. Et alors le seul moyen de quitter l’île est d’avoir son propre bateau.
Fatu Hiva ou Fatu Iva ? Il semble que les deux orthographes soient admises. Fatu-Hiva est l’île la plus méridionale des îles marquises. Elle est composée de 2 volcans emboîtés dont les rebords culminent à presque 1000 mètres. La cote Est qui est sous le vent est inhabitée. À l’ouest, il y a environ 600 habitants qui se répartissent dans 2 vallées : les villages d’Omoa et d’Hanavave.
Omoa est le chef-lieu de l’île. Le village s ‘organise autour d’une seule rue principale qui s’étire dans la vallée. Ici il n’est pas difficile de résister aux sirènes du consumérisme, il y a un seul magasin d’alimentation. L’île est ravitaillée par bateau environ toutes les 3 semaines.
La baie d’Omoa. Ici la mairie est en train de construire le site qui accueillera le prochain festival des arts des marquises qui a lieu tous les 2 ans et qui se tiendra en décembre 2021.
Le festival se tient dans une île différente à chaque fois. L’île qui reçoit a la charge de garder le bâton et de sculpter à son tour une représentation.
L’île est très peu touristique et on le comprend bien, car il n’est pas si facile d’arriver jusqu’ici. Les rares touristes sont ceux qui font une croisière à bord de l’Aranui et qui débarquent ici pour une journée. L’Aranui est un cargo mixte de fret et de passagers. Il est donc très attendu par les habitants. Mais Fatu-Hiva est aussi une halte connue des voileux qui font le tour du monde.
Un célèbre anthropologue norvégien Thor Heyerdahl est venu vivre ici quelques mois entre 1937 et 1938 avec sa compagne Liv dans une vallée inhabitée Ouia. L’ouvrage « Fatu Hiva, le retour à la nature » raconte son séjour. Thor Heyerdahl a avancé l’hypothèse du peuplement de la Polynésie orientale par les Amérindiens ; cette explication, désormais abandonnée, allait donner lieu à la fameuse expédition du Kon Tiki. J’en avais entendu parler lors de notre séjour à l’île de Pâques.
Je suis logée pour la semaine dans une annexe de la mairie. C’est assez rudimentaire mais ça peut aller.
Pour aller travailler, voici ma voiture. Ça tombe bien j’ai l’habitude de conduire ce genre de véhicule, j’ai une clio à Papeete !
Je mange dans l'unique petit snack du village où j’ai été gâtée. Merci encore à Joséphine et Glenda pour les repas. Bien que je sois seule, je ne le reste jamais longtemps, beaucoup de gens sont curieux et viennent discuter avec moi.
Au cours de ce séjour, j’ai rencontré beaucoup de gens très différents. J’ai pu discuter avec Maria, une jeune espagnole qui est ornithologue et qui travaille pour l’association Manu (Oiseaux en Polynésien). Le Monarque de Fatu Hiva, endémique de l’île du même nom, est l’oiseau le plus menacé d’extinction de Polynésie française avec seulement huit couples au monde ! Ils sont menacés par les rats noirs et les chats. Elle est ici dans le cadre d’un programme de conservation visant à augmenter les effectifs de l’espèce. Maria est énergique, volontaire, enthousiaste et très concernée par son job, c’est un vrai plaisir de parler avec elle.
En fin d’après-midi je vais marcher un peu autour du village. D’origine volcanique, les îles Marquises ont un relief escarpé. Le plus haut sommet de l’île ; le mont Touaouoho culmine à 1 125 m. Les plateaux et plaines littorales y sont rares, les côtes étant principalement bordées de falaises abruptes. À certains endroits les flancs de la montagne tombent presque à la verticale. Ces paysages grandioses des Marquises font l’objet d’une demande d’inscription au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO.
Aujourd’hui je dois me rendre dans l’autre village de l’île : Hanavave. Le village d’Omoa et d’Hanavave sont distants seulement de 15 km, mais il faut environ 1 heure de piste traversière qui passe par un col à environ 800 m pour rallier les 2 points et uniquement en 4X4. Heureusement j’ai un accompagnateur pour ce trajet car certains passages à pic sont un peu difficiles à passer.
Le village d’Hanavave s’ouvre sur la baie des Vierges, autrefois appelée baie des Verges en raison des pics rocheux assez suggestifs qui entourent le village. Quand les missionnaires arrivèrent ici, ils placèrent habilement un i dans le mot verge pour éviter une référence à un appendice si peu catholique.
Le temps est très changeant ici. Dans un même journée, il y a plusieurs passages pluvieux et au bout de quelques minutes le soleil émerge de nouveau.
Fatu-Hiva est très humide, c’est l’île la plus pluvieuse des îles marquises. Et effectivement j’ai eu droit a pas mal de pluie.
De par son climat très humide elle est recouverte d’une végétation luxuriante, avec des arbres fruitiers à profusion : Mangues, Papaye, bananes, pamplemousses, oranges, citons. Lors de mon séjour les arbres ployaient sous les pamplemousses. J’en ai mangé tous les jours tellement ils étaient délicieux. On peut manger aussi de délicieuses bananes séchées au soleil et du miel.
Une autre spécialité est la confection de bouquet aromatiques Umuhei. Ils sont faits avec différentes plantes odorantes, comme de l’ananas saupoudré de santal, du basilic, de l’ylang-ylang… On m’en a offert un lors de mon départ qui a embaumé la maison plusieurs jours.
En matière d’Artisanat Fatu-Hiva est reconnu pour ses tapas, ce sont des feuilles de bois battues servant de support à des motifs peints à l’encre. Il peut s’agit de fibre du Banian, de l’arbre à pain, du Ute (le mûrier). La fibre est tapée avec un bois strié appelé iké (Bois de fer ou aioto) jusqu’à ce qu’elle atteigne l’épaisseur désirée. Ensuite le morceau obtenu est amidonné et séché au soleil, il est ensuite décoré à l’aide d’un pinceau fabriqué avec un niau (fibre de la feuille du cocotier et des cheveux).
Fatu-Hiva est aussi connu pour ses sculptures.
Je suis un peu frustrée de rentrer sans avoir pu explorer cette île. Il y a de nombreux sites archéologiques à voir, des pétroglyphes, de belles randonnées. J’aurais aimé aller me balader dans la vallée d’Ouia, me baigner dans la cascade d’Hanavave, voir la grotte d’Hanakau. Enfin j’ai bien vu la mairie:-).
Comme il n’y avait pas de navette pour le retour, je suis rentrée en bonitier, il s’agit d’un petit bateau de pêche. Départ à 5 heures du matin sous un ciel chargé. Encore une fois, heureusement que j’avais des cachets de mercalm avec moi !
Je suis rentrée bien chargée à Papeete avec un excédent de bagages !
Si ca vous a donné envie d'aller faire un tour là-bas, je vous recommande l’écoute de l’émission de France Culture sur Fatu-Hiva.
Fatu-Hiva, la Marquise des Marquises
Un documentaire de Jean-Paul Taillardas et François Teste Première diffusion dans "Les Grandes Traversées" le 14 août 2014 Entre tropique du Capricorne et équateur, elle est l'île la plus iso...
https://www.franceculture.fr/emissions/l-heure-du-documentaire/fatu-hiva-la-marquise-des-marquises